Publié le 14/11/2025 à 17:45
- Préambule
- Le plaisir de la marche
- La forêt de Montmorency
- La faune
- Le Léiothrix jaune
- Quelques liens
Préambule
Sauf indication contraire, les photos sont de moi (Sébastien Rohaut), et restent ma propriété. J’autorise leur réutilisation à des fins gratuites uniquement, si j’en suis crédité et la source citée. Pour un autre usage, vous trouverez bien le moyen de me contacter.
Le plaisir de la marche
Depuis des mois, je marche. Beaucoup. En plus de mes trajets domicile-travail ou ordinaires, je vais, entre trois et sept fois par semaine, marcher, volontairement, même quand je n’ai pas envie, au moins deux heures et entre 10 et 12 kilomètres. Plusieurs fois, j’ai marché 30 kilomètres. Au départ, mon objectif était de me remettre en forme et pendant quatre mois, tous les jours sans exception, soir et week-ends, j’ai marché. C’est devenu un plaisir. Je pars de chez moi, et régulièrement j’explore de nouveaux chemins, parfois riches de découvertes. J’ai quelques parcours favoris. Notamment, en 30 minutes, et un bon dénivelé (ça grimpe), j’arrive en forêt de Montmorency.
La forêt de Montmorency
Un beau massif dans le Val d’Oise
La forêt de Montmorency est située à environ 15 kilomètres au nord de Paris et occupe environ 2200 hectares. Elle fait environ 12 kms de long, de Saint-Brice-sous-Forêt à l’est jusqu’à Bethemont-La-Forêt à l’ouest, et 4 kms de large, entre Saint-Leu-La-Forêt et Chauvry. Elle est coupée verticalement par deux routes départementales, la D124 à l’est, et la D909 au centre. La partie est, où je marche le plus souvent, est la plus petite (on peut cependant y faire des parcours de deux heures et s’y perdre), et est très facilement accessible depuis la ville, par exemple en y pénétrant par l’avenue du Repos de Diane, à Montmorency. Autres particularités physiques de la forêt de Montmorency: elle est très vallonnée (ça peut grimper dur), culmine à 192m dans sa partie Ouest, 185 mètres à l’est, est parcourue de plusieurs rûs, et est très humide, avec plusieurs gradients de température à certains endroits, notamment près des tourbières encaissées, comme celle de la Cailleuse: même l’été il peut y faire froid.
Zoom IGN sur la forêt de Montmorency
Ce qui m’énerve le plus, c’est la présence d’un énorme golf à l’est de la forêt, à Domont. Bien visible sur la carte, il occupe 70 hectares, soit 3% de la superficie de la forêt dédiée à un sport plutôt élitiste pratiqué par une population limitée et généralement aisée. Une verrue. En 2004, la forêt devait être classée en forêt de protection. Chauvry a voté contre à pour préserver l’exploitation du gypse (pourtant une activité souterraine peu visible), mais Domont aussi, pour pouvoir agrandir le golf ! Quelle indignité.
Des lieux remarquables
La forêt héberge quelques lieux remarquables, et parfois surprenants. Le plus connu est le château de la Chasse, un petit château de type médiéval datant du XIIème siècle dont les tours tronquées, coupées au XVIIème siècle lui donnent un certain cachet. Situé au bord de grands étangs, ce rendez-vous de chasse a été côtoyé par plusieurs rois, dont Louis X ou François 1er. Je reviendrai un jour rajouter une photo (j’en avais une magnifique que j’ai perdue !) À quelques centaines de mètres se trouve la fontaine Sainte-Radegonde, connue aussi dès le XIIème siècle. C’est un lieu, comme ses alentours, qui a été fréquenté par Jean-Jacques Rousseau.

La fontaine Sainte-Radegonde.
L’étang Godard est souvent la première étape (après 12 kms de marche, tout de même) des mes randonnées de 30 kms. Étang circulaire, constellé de roseaux, on y croise grenouilles, tortues de floride et hérons. Les maîtres y laissent jouer leurs chiens. Mais le lieu le plus surprenant est le cimetière de Bosc. En pleine forêt, ce serait un lieu de tournage parfait pour un film d’épouvante une nuit brumeuse. Ce petit cimetière familial accueille les tombes de Louis-Augustin Bosc d’Antic, naturaliste entre le XVIIIème et le XIXème siècle, de sa famille et de quelques proches.

L’étang Godard, au fond un héron surveille deux tortues de Floride paresseuses.
Côté Est, sur mes parcours habituels, je passe souvent au Fort de Domont et à la batterie de Blémur. J’écrirai probablement quelque chose sur ces ouvrages, et leur histoire atypique. Sachez pour le moment qu’il s’agit du seul fort de la seconde ceinture de défense de Paris, qui a effectivement tiré sur les allemands en 1914, sous le commandement d’un certain commandant Dreyfus !
Peu su, au sud-ouest de la forêt se trouve la base aérienne 921, qui avait fermé en 2011, mais a été réactivée en 2024. Elle héberge le COFAS, Centre d’opérations des forces aériennes stratégiques, avec environ 300 militaires. Quand j’étais petit, j’avais des copains dont les parents militaires étaient en poste là. Le COFAS, c’est l’Etat Major des Forces Aériennes Stratégiques. Autrement dit, la dissuasion nucléaire. Il n’y a pas que nos sous-marins, nos avions aussi peuvent transporter la bombe. Il n’y a pas d’avions à Taverny, mais on les contrôle d’ici. Sur Google Maps ou les cartes IGN, la zone est floutée.
La plus grande carrière de gypse d’Europe
On le sait peu non plus, mais la forêt est aussi la plus grande carrière de gypse d’Europe ! 1500 hectares. Les carrières souterraines, à 80 mètres sous la forêt, très actives, sont exploitées par les entreprises Lafarge et Placoplatre : un million de tonnes exploitées par an, soit 50% de la production française. Il a fallu aménager des accès spécifiques, et le sous-sol, un vrai gruyère, est parcouru d’énormes galeries qu’il faut remblayer après exploitation. On trouve en surface, au milieu des arbres, des cheminées d’aération de ces galeries. L’été quand il fait chaud, le courant d’air provoqué amène un air froid et humide à proximité, pas forcément désagréable.
Le problème du châtaignier
Côté flore, la forêt était constituée à plus de 70% (voire 90% au milieu du XXème siècle), de châtaigniers, surexploités jusqu’aux années 1980, moment où l’Etat a racheté la plupart des parcelles. Le reste est constitué de chênes, bouleaux, hêtres et divers résineux dont le Pin Sylvestre. On y trouve aussi une espèce de fougère rare, l’osmonde royale. Ce manque de diversité est le malheur de la forêt de Montmorency. Tout d’abord, la forêt a été surexploitée, est vieillissante et le renouvellement des arbres pas assuré. Ensuite, depuis la fin des années 1990, l’humidité et les températures douces, effets du réchauffement climatique, ont vu la maladie de l’encre réapparaître. Cet organisme filamenteux s’attaque aux racines du châtaignier et va le détruire plus ou moins progressivement. L’arbre n’arrivant plus à “pomper” assez de nutriment, il va mourir après une période de trois à six ans, parfois très brutalement. Un effet très visible est la perte du feuillage à la cime des arbres.

La maladie de l’encre empêche la sève d’atteindre la cime. Le châtaignier perd ses feuilles.
On ne peut pas lutter contre cette maladie lorsqu’elle est installée. On peut trouver ou greffer des espèces plus résistantes, drainer le sol, etc., mais la solution radicale qui semble avoir été retenue par l’ONF est l’abattage de nombreuses parcelles, coupes rases souvent incomprises par les défenseurs de la nature. J’ai moi-même pu être choqué quand, au détour du sentier, je me suis retrouvé devant … rien … Mais les parcelles sont ensuite plantées de nouvelles espèces : chênes rouvres, merisiers, érables, cèdres ou pins. À terme la forêt sera transfigurée.

Coupe rase, qui dégage la vue sur la tour du Plumet.
La faune
Une faune pas si classique
Côté faune, on trouve des chevreuils, des sangliers, des renards et des blaireaux. Si j’ai la chance de croiser régulièrement les trois premiers, je n’ai pas encore eu cette chance pour les derniers. Les sangliers sont très nombreux, en forêt, en lisière et dans les coteaux. Les jeunes sont d’ailleurs très peu farouches. Celui que vous voyez sur la photo vient jusqu’à mes pieds.

Ce sanglier rencontré à 300 mètres de chez moi, est un jeune orphelin qui n’a pas peur de l’Homme.
Bien entendu, on y retrouve aussi de nombreux batraciens ainsi que de nombreuses espèces d’oiseaux. Enfin, et c’est moins connu, on trouve en forêt la vipère péliade. Si je sais où la trouver, je n’irai pas dévoiler où, afin qu’elle reste protégée. Je lisais que le cerf était revenu en forêt de l’Isle-Adam puis en forêt de Carnelle qui n’est pas très loin. D’ici à ce qu’il revienne à Montmorency, ce n’ est probablement qu’une question de temps.
Je ne pouvais pas parler d’animaux sans parler des vaches de Piscop. A cinq kilomètres de chez moi, on trouve des champs, en lisière de forêt, avec vaches, boeufs, veaux et taureaux. La particularité ici est que le champ est coupé en deux par un bout de forêt, que les vaches doivent traverser pour passer d’un endroit à un autre. C’est assez surprenant la première fois de voir des vaches dans les bois.

Le champ est coupé par une langue de forêt.
Rencontre avec la faune
Le mammifère le plus courant de la forêt reste le sanglier, que je croise quasiment toutes les semaines, y compris dans les coteaux de ma ville ou dans les vergers en lisière de la forêt. Leur nombre est anormalement élevé, faute de prédateurs (ou de chasseurs), et ils viennent régulèrement en ville, ou coloniser les coteaux boisés. Constatez que certains ne sont pas farouches, et sont même venus jusqu’à mes pieds. Je me méfie tout de même. Moment surprenant lorsque j’ai croisé deux laies cochongliers (ou sanglochons), femelles mi-sangliers mi cochons vietnamiens, avec leur quinzaine de petits !

Ces marcassins, une quinzaine, sont les portées de deux laies conchongliers, croisement de truie vietnamienne et de sangliers sauvages. En lisière de forêt.
J’ai par contre du mal à prendre en photo le chevreuil. Le temps de dégainer l’appareil, il se sauve. Je me souviens cependant d’une incroyable rencontre avec deux mâles en 2023, à une vingtaine de mètres, les deux, majestueux avec leurs bois courts, me fixant pendant une longue minute, avant de repartir tranquillement. Moment de grâce, suspendu dans le temps, inoubliable.
Je rencontre aussi régulièrement des renards, en lisière du côté de Saint-Brice-sous-Forêt, dans les vergers. Comme ces deux renards, à une cinquantaine de mètres de moi, dont un qui prend la pose.

Deux renards, à environ 50 mètres
Le Léiothrix jaune
Une belle rencontre
Mais ma rencontre la plus surprenante, et que j’espère à chaque balade, est avec un oiseau. Et pas n’importe lequel. Des oiseaux en forêt, quel scoop ! Bon, oui, des pinsons des arbres, des mésanges, des rougegorges, des rougequeues, le Pic-Noir (assez rare), des geais des chènes (plein cette année), des pinsons des arbres, des pouillots véloces, des centaines de perruches à colier, des pigeons ramiers, etc. En avril dernier, je repère un oiseau que je n’avais pas encore remarqué. Un petit oiseau, magnifique, jaune et vert, avec du rouge, du bleu. Il piaille, fort bruyamment, peut chanter magnifiquement, et n’est pas si farouche. Ils sont toujours deux, toujours par paire, en fait. Ils sont dans des fourrés de ronces et dans les branchages à hauteur d’homme. Et mon petit doigt me dit que cette espèce ne devrait pas être là. Pas de photo prise à la première rencontre: les smartphones c’est bien mais les zooms sont généralement pourris.
En rentrant chez moi, direction le moteur de recherche: oiseau jaune vert rouge, ça me sort des perroquets. J’ajoute des mots-clés: petit, forêt, paire, et ainsi de suite. Et je trouve mon inconnu ! Il s’agit du Léiothrix jaune, appelé aussi à tort le rossignol du Japon. Déjà ce n’est pas un rossignol, et ensuite il ne vient pas du Japon. Avant de parler un peu plus de sa présence incongrue en forêt de Montmorency, voici trois de mes photos de l’oiseau en question. Je suis en effet retourné plusieurs fois sur site, cette fois avec un vrai appareil photo équipé d’un zoom 24x. Et j’avoue, lorsque j’ai de nouveau croisé ceux que j’appelle “mes oiseaux”, j’étais vraiment excité, et j’ai mitraillé comme j’ai pu, zoom à fond. Sur la dizaine de photos, 3 sont ressorties net, dont une dont je suis particulièrement fier. La chance du débutant ! Admirez la beauté du Léiothrix ! Quel oiseau magnifique !

Quel oiseau magnifique ! Les photos ont été recadrées, et la dernière retouchée pour supprimer un plumet masquant partiellement la tête.
Pourquoi ici ?
Mais que fait-il là ? Il semble être apparu à la fin des années 1990, s’est installé ici, et s’y est plu. Sur les sites de signalement, il est régulièrement pointé et référencé principalement sur deux grands sites en France: les Pyrénées-Atlantiques et le Val d’Oise: Vexin et forêt de Montmorency. Leur nombre était estimé à 5000 individus en France en 2015, dont 160 à 200 à Montmorency. Si une chute brutale et non-expliquée semble avoir été observée entre 2014 et-2016 (serait-ce dû aux coupes rases et au défrichage ?) à la vue des mes observations en 2025, je ne suis plus d’accord avec ces chiffres: il est littéralement partout ! Et si j’ai plus observer des volées de douzaines d’individus dans une zone si restreinte, dans la partie est de la forêt du côté de Piscop et Saint-Brice, mais aussi le long de l’étang du château de la Chasse, alors ils doivent être des milliers sur l’ensemble de la forêt. C’est clairement une espèce invasive, mais je ne vois pas comment on pourrait réguler les populations.
Un oiseau d’Asie
D’où vient-il ? De loin ! Ce superbe petit oiseau vient d’Asie: sous-continent indien et Chine. Espère principalement forestière, on le trouve jusqu’à 6000 mètres dans la chaîne de l’Himalaya. Comment est-il arrivé en France ? Sans preuve, il s’est échappé d’élevages, ou relâché par des particuliers, notamment dans les Yvelines dans les années 1990. C’est un oiseau qu’on peut aussi acheter en élevage ou animalerie (comptez 200 à 400 euros pièce). Mais laissez-le libre, pitié ! Une fois libre, comme c’est un oiseau forestier, il s’est beaucoup plu dans nos forêts et sous notre climat. Pour le moment, il occupe une niche écologique sans sembler empiéter sur les autres espèces et donc sans impact négatif visible. Pour le moment, mais qui sait, s’ils deviennent plus nombreux ? De toute façon, il est là, et sauf catastrophe, il s’adapte et il restera. Comme la perruche à collier. Autant faire avec.
Le principal risque pour cette espèce, du moins en forêt de Montmorency, reste les coupes rases et le défrichage, des taillis, broussailles, buissons et ronciers en bord de chemin restant leur habitat favori. J’ai pu constater, après de débroussaillage (nécessaire) de la parcelle 239, leur présence moindre à cet endroit. Il reviendra. Mon autre crainte est le braconnage. Doit-on dévoiler la présence de l’oiseau ? Ça ne changerait rien, pour une bonne raison, il est partout.
Où l’observer ?
Où voir le Léiothrix jaune ? Partout, pardi ! Le long des chemins, en forêt, sur les côtés, dans les taillis, broussailles et branchages. Je l’observe quasiment chaque semaine, et je l’entends, parfois sans le voir, à chaque marche en forêt. Il suffit d’être attentif. Une fois habitué, son chant est reconnaissable entre mille. Ils sont généralement par paire (couple ?), donc on les voit par multiples de deux. Je vous conseille d’installer l’application Merlin Bird: elle capte les chants des oiseaux et vous indique en direct à quelle espèce le chant appartient. Et quand les Léiothrix jaunes sont nombreux, ils font un sacré vacarme ! Je me souviens d’un soir de juillet sur la route du Prieuré, c’était impressionnant ! Il ne se sauve pas directement, il recule lentement, sautillant de branche en branche, et il est assez simple à observer une fois détecté. Profitez !
Lien Youtube (pas de moi), vidéo et chant du Léiothrix Jaune en forêt de Montmorency
J’espère avoir réussi à partager avec vous le plaisir que je ressens lors de mes balades, et de mes découvertes dans ce très beau milieu forestier. Très souvent maintenant, j’embarque mon appareil photo, mais malheureusement, le temps de le sortir, c’est trop tard. J’ai investi dans un smartphone avec un zoom optique 10X, bien meilleur et plus facile à dégainer. J’attends l’occasion. Notamment pour mettre en boîte un chevreuil.

Randonnée en début d’été, pour 30 kilomètres. Certains passage sont difficiles. Ca grimpe dur !