Publié le 23/08/2023 à 00:00
Publié aussi sur LinuxFR.
- Le retour des problèmes
- Ca marche, mais ça marche pas
- Le support et la bidouille à la rescousse
- Une bonne expérience durant les vacances…
- … et pleins de réflexions au retours
- Un anneau pour les gouverner tous
- Les limites du systèmes ou comment pervertir une bonne idée ?
Le retour des problèmes
Voilà que ça recommence, j’ai fait quelque chose de dangereux avec le système embarqué, qu’on appelle aussi système d’infodivertissement, R-Link Evolution de mon véhicule Renault: j’ai mis à jour la carte du GPS Tomtom intégré. Dans ma précédente aventure je vous racontais que je n’arrivais pas à accéder au système de fichiers de la carte SD que j’avais dû acheter parce que malgré un abonnement, Renault ne proposait pas de mise à jour. Et bien, figurez-vous que mi-août 2023 il s’est produit un miracle : après plus d’un an sans rien, une mise à jour est arrivée ! Mais outre les manipulations aux résultats hasardeux, ce journal ne sera pas très technique, mais sera l’occasion d’une réflexion sur l’avenir des systèmes de « divertissements » embarqués.
Mi-août, une notification apparaît sur l’écran de mon R-Link: une mise à jour de la carte est disponible. Le R-Link étant ancien et dialoguant en GPRS, c’est trop lent pour télécharger 4 Go dans de bonnes conditions. Cette mise à jour passe par un logiciel appelé R-Link Toolbox, qu’on appellera la toolbox, disponible uniquement sur Windows ou MacOS. C’est en fait un dérivé de Tomtom MyDrive Connect, parce que ce système R-Link est en fait développé par Tomtom. On insère sa carte, l’outil vérifie si la carte SD est originale, le numéro de série du R-Link (mais aussi du châssis de la voiture), vérifie les droits et achats, le tout auprès des serveurs de Renault ou de Tomtom (on ne sait pas trop), et installe les mises à jour. On a ensuite plus qu’à réinsérer la carte SD dans la voiture, qui va installer les mises à jour sur le système embarqué. C’est la théorie quand tout se passe bien.
Ca marche, mais ça marche pas
Ici j’utilise la carte SD du précédent journal, dont le système de fichiers FAT était buggué et pas reconnu par Windows, mais que j’avais pu réparer. Ensuite, rappelez-vous, R-Link fonctionne sous Android, et la carte SD contient en fait plusieurs fichiers constituant un RAID linéaire et un système de fichiers Linux ext3. J’insère la carte sur mon PC et tout se passe bien : une nouvelle carte Europe de l’ouest est téléchargée, et installée. Je retourne à la voiture, tout est bien détecté (c’est parfois capricieux) et ça m’indique une version de carte 11.05 en lieu et place de la 10.85. Victoire ? Euh… En vérifiant sur le site de Renault, la carte devrait être en 11.10, je me dis que c’est peut-être incrémental… Je recommence. L’outil Toolbox m’annonce que la carte est corrompue. Arf. La toolbox me propose une alternative : annuler, ou restaurer la sauvegarde. Qu’auriez-vous fait ? Je restaure. Après une vingtaine de minutes, l’outil me dit que tout est à jour. Je retourne à la voiture, et zut, je suis de retour sur l’ancienne version de ma carte Europe, la 10.85. Retour sur la toolbox qui me dit que c’est déjà à jour. Et là, on se dit que ça commence à sentir le pâté. En gros, Renault ou Tomtom considèrent que la mise à jour a déjà été appliquée, même si la carte a été restaurée dans une ancienne version, et ne la propose plus.
La toolbox est très limitée : on ne peut rien faire sauf synchroniser la carte SD. Pour agir sur les contenus, il faut passer par le site web My Renault, où on gère ses achats et abonnements. Sur ce site on peut y gérer le contenu de ses cartes SD, comprenez par là qu’on peut supprimer des éléments présents, ou ajouter des éléments proposés uniquement par Renault. On coche/décoche sur le site, ça synchronise quelque part sur les serveurs de Renault ou de Tomtom, puis on met à jour le contenu réel de la carte via la toolbox. Une usine à gaz. En regardant le contenu de ma carte SD tel que vu par Renault, on y voit la nouvelle version de ma carte Europe. Ce qui est faux, puisque la restauration de la sauvegarde a remis l’ancienne. Donc, je décoche et je synchronise. La « nouvelle » carte disparaît. Mais, elle ne réapparait plus.
Le support et la bidouille à la rescousse
Arrivé là, le seul moyen de s’en sortir est de contacter le support. Il est relativement réactif, tant par le chat que par mail. C’était un vendredi. Après avoir fourni toutes mes informations (numéro de carte SD, numéro de série du R-Link, numéro de chassis du véhicule), la technicienne me fournit le lundi suivant une procédure. Elle semble avoir oeuvré car en effet, en me reconnectant je constate que si je navigue via le site My Renault sur le contenu de ma carte SD, la nouvelle carte Europe est de retour. Je choisis ma carte SD, je coche, je synchronise, et je lance via la Toolbox le téléchargement. Après une vingtaine de minutes, je retourne à la voiture et… Rien. Toujours l’ancienne version. Mais quel bordel ! Alors je recommence (je décoche, synchronise, recoche, etc.) et je regarde attentivement ce qui se passe lors de la mise à jour. Vous vous rappelez qu’il considérait que j’avais déjà la nouvelle carte sur la sauvegarde ? Et bien, l’outil ne faisait que restaurer en boucle cette sauvegarde, puisque la carte était déjà sensée être dessus ! C’est là que j’ai compris le mécanisme de mise à jour par défaut : La toolbox effectue la mise à jour sur la sauvegarde, puis recopie la nouvelle sauvegarde sur la carte SD. J’ai donc dû tuer l’outil et supprimer manuellement toutes les sauvegardes du disque dur. Et enfin, après des heures de manipulations, la nouvelle carte est revenue… En version 11.05. Mais alors, où est la 11.10 ? Mais nulle part ! Figurez-vous que c’était une erreur sur le site Renault, qu’ils ont corrigé en remettant 11.05…
Vous imaginez l’utilisateur lambda avec un tel bordel ? Moi, non. J’ai fait un retour au support, pour leur expliquer comment je m’en étais sorti, et que c’était dommage d’avoir un truc aussi mal fichu, leur réponse étant qu’ils étaient désolés que leur produit ne me convienne pas. Erreur, le produit R-Link me convient, c’est leurs outils côté PC et web qui m’horripilent.
Une bonne expérience durant les vacances…
Cet été je suis parti très loin en vacances. Souvent les loueurs de voitures désactivent le GPS intégré des véhicules, ou la carte est très ancienne, ou vous louent un GPS assez cher. J’ai un « vrai » GPS Tomtom, de ceux qu’on accroche au pare-brise avec une ventouse, et ceci depuis plusieurs années. Je l’ai trimballé partout en Europe avec les cartes qui vont bien, et l’info trafic passe par une appli installée sur le smartphone. Mais j’ai eu cette année une mauvaise surprise, ma destination lointaine n’était pas couverte par le service. Le premier jour je me suis tapé des énormes bouchons sur de fabuleuses autoroutes congestionnées à sept voies. Devant l’intérêt relatif du Tomtom dans ce cas, j’ai opté pour une autre solution: le smartphone. Le reste du voyage, j’ai utilisé Google Maps qui adaptait le parcours en fonction du trafic. La bonne surprise a été que la voiture de location supportait Android Auto, et la plus grande surprise a été de constater que c’est vraiment bien fichu: bien mieux que le R-Link de mon véhicule personnel, bien mieux que le Tomtom collé au pare-brise.
… et pleins de réflexions au retours
De retour chez moi après ces différentes aventures je me suis posé pas mal de questions. La première a été de connaitre la compatibilité de mon véhicule avec Android Auto: c’est le cas. La seconde a été de réfléchir au remplacement du Tomtom embarqué par une appli du smartphone via Android Auto. Ça oblige à deux choses : avoir toujours son smartphone avec soi, et de le connecter via USB à la voiture. Donc un câble qui traine, et un support de smartphone à ajouter. Sur ce dernier point des solutions sont en place. Les véhicules récents acceptent le WIFI direct, permettant de se dispenser du câble USB. Pour les autres, il existe des clés USB Android Auto servant de passerelle, qu’on trouve à la pelle sur Internet. Il faudra juste penser à vérifier la compatibilité avec le véhicule et le smartphone.
La troisième réflexion est plus globale: pourquoi les constructeurs s’obstinent-ils à installer des systèmes embarqués maison ou pas, généralement mal fichus ou mal intégrés, voire même pourquoi un même constructeur fournit des systèmes différents sur ses différentes gammes de véhicules ? Les constructeurs n’ont généralement pas les moyens internes nécessaires pour développer ces solutions, Ils s’appuient donc sur des éditeurs, comme Tomtom ou d’autres, pour disposer d’une version modifiée et adaptée à leurs véhicules. Multiplicité des systèmes embarqués, des spécifications, des véhicules, des éditeurs, des outils de mise à jour, des formats de cartes: tout est près pour un désastre. La littérature à ce sujet est édifiante: ces systèmes pénalisent la fiabilité des véhicules. Notamment sur la question des mises à jour, si complexe et si instable pour des systèmes qui devraient pourtant être fiables depuis des années.
Un anneau pour les gouverner tous
Ma quatrième réflexion concerne l’avenir, et ce qui est en train de se produire. C’est la réponse à ma troisième réflexion. Android Auto ou Apple Carplay ne sont pas anodins. C’est une harmonisation des systèmes embarqués à la base des systèmes d’infodivertissement. Android Auto et les premières versions d’Apple Carplay sont relativement simples à comprendre: l’écran du véhicule devient un simple terminal permettant d’afficher et de contrôler les applications du smartphone de manière tactile, via les boutons du tableau de bord ou le micro. L’intelligence reste sur le smartphone. Il y a un cloisonnement théorique entre le système embarqué du véhicule et le smartphone. C’est assez chouette de pouvoir disposer d’une appli GPS via Android Auto et de la radio via l’embarqué en même temps, ou le GPS de la voiture avec Spotify via Android Auto. Alors pourquoi ne pas tout simplement embarquer tout ça directement dans la voiture et se passer du smartphone ?
C’est ce qui en train de se produire. Apple pousse très loin l’intégration de Carplay avec certains modèles de véhicules en remplaçant totalement le tableau de bord original. Google propose Android Automotive, un système d’exploitation Android Open Source embarqué déjà bien utilisé par pas mal de constructeurs. Il fournit de manière optionnelle les GAS, Google Automation Services, services captifs sous licence qui sont en fait les services et applis Android comme Google Maps, Google Play, etc. Ce n’est pas obligatoire. Stellantis par exemple n’utilise pas GAS et a pris Tomtom pour le GPS et Alexa pour la recherche vocale. On pourra évidemment rétorquer qu’on fait entrer le loup dans la bergerie, qu’on se lie de nouveaux aux GAFAM, etc. C’est déjà le cas depuis longtemps. Ensuite, on était déjà largement lié aux solutions embarquées des éditeurs et constructeurs, et forcément captifs de ces solutions. Captifs de Renault, captifs de Mercedes, captifs de Tesla. Mais il existe aussi des solutions Open Sources et/ou libres. Côté Android, OSMAnd, basé sur OpenStreetMap, s’installe sur un Android Open Source et ne dépend pas des services de Google. On peut imaginer pouvoir installer OSMAnd sur sa voiture, directement, et virer Tomtom ou autre. Sans GAS.
Les limites du systèmes ou comment pervertir une bonne idée ?
Un système embarqué basé sur Android Automotive ne signifie pas que l’utilisateur pourra installer ce qu’il veut. C’est un OS de base dont la gestion reste confiée aux constructeurs, et l’intégration de Renault ou de Peugeot seront et sont totalement différents. On imagine bien ce qui pourrait se passer en termes de sécurité du conducteur et des passager si celui-ci désinstallait, ou remplaçait, les différents compteurs et voyant du tableau de bord. Ensuite, ces systèmes ont un éventuel accès au bus de la voiture (bus CAN par exemple) et ont donc l’éventuel contrôle des paramètres de l’ordinateur de bord de la voiture, voire de la voiture elle-même. Ça vous fait peur ? Il est probable que ce soit déjà le cas dans votre voiture. Après tout, mon R-Link de 2013 est connecté à ce fameux bus et me fournit des détails fins sur mes habitudes de conduite et de consommation. Et pour déverrouiller certains fonctions, et faut bidouiller via le port OBD du véhicule.
Ce qui se passe avec les véhicules ressemble un peu au bordel des années 80 et 90: la multiplication des ordinateurs et systèmes incompatibles entre eux, puis une réduction et une concentration de l’offre : Windows, MacOS, Linux. Sur les véhicules, certains constructeurs et éditeurs feront de la résistance, mais la majorité ira vers Google ou Apple. Mais soyons sûrs d’une chose: on peut faire confiance aux constructeurs et intégrateurs pour transformer une bonne idée en un désastre. Je le vois avec on R-Link (qui est une tablette Android dans les faits). L’expérience des smartphones le montre très bien (mises à jours du système et des applis hasardeuses, plus de suivi après quelques années, interfaces type MIUI, One UI ou Pixel différentes, refus de l’accès à certains stores…).
Je reste cependant confiant (c’est rare chez moi). En attendant, de mon côté, je continue mes expériences avec Android Auto tout en tentant de maintenir à jour l’embarqué. Il pourrait arriver en effet que j’oublie mon smartphone à la maison, parfois…